Le Conseil constitutionnel valide la réforme des retraites
16 Novembre 2010
Rédigé par André TRILLARD et publié depuis
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Décisions n°2010-615 et 2010-617 DC du 9
novembre 2010
Saisi en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution par 60 députés et 60 sénateurs, le Conseil
constitutionnel a validé la loi portant réforme des retraites, à l’exception des articles 63 à 75 relatifs à la réforme de la médecine du travail, censurés car dépourvu de liens avec le texte
initial.
Sur la procédure :
Les députés auteurs de la saisine estimaient que l’absence d’ouverture au public des réunions de la commission saisie au
fond, la limitation des débats en séance publique par l’utilisation du temps législatif programmé et l’interruption par le Président de l’Assemblée nationale des explications de vote sur
l’ensemble du texte[1] portaient
atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Le Conseil constitutionnel a écarté l’ensemble de ces griefs, considérant que les exigences de clarté et de sincérité du
débat parlementaire imposent qu’il soit « précisément rendu compte » des travaux se déroulant en commission, condition qui avait été remplie selon lui.
Puis, rappelant que les règlements des assemblées n’ont pas valeur constitutionnelle, le Conseil a jugé que leur
méconnaissance ne peut « avoir pour effet, à elle seule, de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ». Il a ensuite constaté que « la décision du président de
l’Assemblée nationale d’interrompre les explications de vote personnelles n’a pas porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ».
Sur le fond :
Concernant le report à 62 ans de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, le Conseil constitutionnel a estimé
que, si le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946[2] « implique
la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités », il est loisible au législateur, « pour satisfaire à cette exigence, de choisir les
modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ». Ainsi, en fixant à 62 ans l’âge minimum de départ à la retraite et en prévoyant ou maintenant la possibilité d’une retraite anticipée au
bénéfice de certaines catégories de personnes[3], le législateur
a pris des mesures qui ne sont pas, selon le Conseil, « inappropriées à l’objectif qu’il s’était fixé » et ne sont pas contraires au principe d’égalité qui résulte de l’article 6 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789[4].
Quant au report de 65 à 67 ans de la limite d’âge ouvrant droit à une pension sans décote, il a estimé que cette
disposition n’est pas contraire au principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans la mesure où les règles fixées sont identiques pour les femmes et les hommes, notamment en ce qui
concerne le droit de bénéficier de la retraite à taux plein à 65 ans pour raisons familiales[5]
Sur les cavaliers législatifs :
Enfin, le Conseil constitutionnel a soulevé d’office pour les censurer comme constituant des « cavaliers »
législatifs[6], les articles
du projet de loi relatifs à la réforme de la médecine du travail (articles 63 à 75), introduits dans le projet de loi par des amendements adoptés en première lecture pour certains à l’Assemblée
nationale[7] et pour
d’autres au Sénat[8], en ce qu’ils
ne présentent pas « de lien même indirect avec [les dispositions] qui figuraient dans le projet de loi [initial]» et sont donc contraires à l’article 45 de la Constitution qui prévoit que
« tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
Tirant les conséquences de cette décision, le Conseil a validé le même jour, la loi organique relative à la limite d'âge
des magistrats de l'ordre judiciaire, transmise par le Premier ministre, en application de l’article 61, alinéa 1 de la Constitution (Décision n° 2010-615 DC), qui porte cette limite de 65 à 67
ans pour les magistrats nés à compter de 1956.
[2]La Nation« garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la
sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler
a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence »
[3]Les
personnes ayant eu des carrières longues, celles ayant un taux d’incapacité de travail fixé par voie réglementaire, celles exposées à des «
facteurs de pénibilité » et atteintes d’incapacité permanente, des travailleurs handicapés ou des personnes exposées à l’amiante.
[4]« La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de
concourirpersonnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la
même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».
[5]Pour le parent de trois enfants âgé de 55 ans ou plus
qui a interrompu sa carrière pour s’occuper d’un de ses enfants, pour la personne ayant interrompu son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant handicapé ou d’un membre de sa
famille en qualité d’aidant familial.
[6]Dans son examen des éventuels « cavaliers »
législatifs, le Conseil constitutionnel examine d’abord si cette question a été soulevée dans les débats parlementaires ou si elle l’est par les requérants. Reste ensuite le critère du «
cavalier » manifeste qui aurait été adopté en méconnaissance de la clarté et de la sincérité des débats, c’est-à-dire « sans débat » ou « sans débat » sur la portée réelle de la mesure.
[7]Articles 63, 65, 66, 68, 69, 70, 71, 72 et 75 du
projet de loi, introduits dans le texte par le Gouvernement et les députés.
[8]Articles 64, 67, 73 et 74, introduits dans le texte par la commission et les
sénateurs.
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